mardi 2 juin 2015

Parizeau et moi



C’était en 1995, un vent de frénésie soufflait sur le Québec. Les Québécois avaient rendez-vous avec leur destin. Le genre de rencontre qu'on ne peut se permettre de manquer ou même d’arriver en retard. Il s’agissait de la tenue du deuxième référendum de la belle province. L’organisation était complexe mais la thématique simple ; oui ou non à l’indépendance du Québec ? 

Il y avait deux camps ; celui du oui et celui du non. Je me souviens très bien du leader du oui. C’était un monsieur avec une grosse moustache, ce « Monsieur », il s’appelait Jacques Parizeau. 

Moi j’avais 12 ans. En provenance du Congo, j’étais arrivé à Montréal 3 ans plus tôt avec mes frères et sœurs et mes parents. Nous habitions Montréal-Nord, un quartier « chaud » et multiethnique. Là-bas, une folle rumeur courait les rues, du moins dans mon réseau social. Au parc Carignan où on s’amusait après l’école, mes amis Haïtien et Marocain me rapportèrent le fameux racontar. Il paraîtrait que si ‘’les oui’’ l’emportent, nous les immigrants, seront expulsés en Ontario. En effet, comme nous étions des citoyens-canadiens et non des citoyens-québécois, nous serions de facto en situation d’irrégularité dans ce nouveau pays et devrions dans un bref délai plier bagages vers le Canada. 

Du haut de mes 12 ans, il n’en fallait pas plus pour m’affoler. En plus, si mes bons amis Sacha et Imad le disaient c’est que c’était vrai. Je regrettais de ne pas avoir l’âge l’égale pour voter. J’aurai inscrit un gros NON sur mon bulletin de vote pour contrer les plans de ce méchant monsieur. 

Le moment de vérité 

30 octobre 1995 au soir, c’est le moment de vérité ! Après des heures de suspenses et de sueurs froides, la question est réglée. Le NON l’emporte par des poussières. Ouf ! On n’aura pas besoin de déménager, me dis-je. 

Fixé sur ma télévision, je suis assis sur le sofa dans le salon quand un monsieur apparait à l’écran pour faire son discours. Il n’a pas gagné mais doit se montrer bon joueur, et surtout, remercier et rassurer ses électeurs. C’est encore le même monsieur moustachu, Jacques Parizeau. 

Avec l’assistance, il entonne un ‘’ Oui Oui Oui Oui !!! ‘’. Et là, il s’arrête, se courbe vers le micro et dit ; « c’est vrai qu’on a été battus, mais au fond par quoi ? ..par l’argent pis des votes ethniques...essentiellement ». Wow !! Sacha et Imad avaient raison, ce monsieur-là n’aime vraiment pas les immigrants. 

Dans les mois qui ont suivis, M. Parizeau a abandonné la politique active, se faisant plus discret et animant des conférences dans des Universités. Moi, je suis rentré au secondaire.  

Parizeau et moi

Les années ont passés. En grandissant, pour comprendre ma société d’accueil, je me suis mis à lire à son sujet. Des lectures sur Papineau et les patriotes, sur Chrétien et les libéraux, et aussi sur..Jacques Parizeau. À ma grande surprise, j’ai appris qu’il a été marié à une immigrante, Alice Poznańska, une écrivaine d’origine polonaise. J’ai su que son conseiller le soir du référendum, un certain Jean-François Lisée, lui avait écrit un beau discours qui voyait le verre à moitié plein. Mais que Parizeau, sous le coup de l’émotion, a improvisé cette phrase assassine que tout le monde connait au Québec. 

Il y a quelques mois, 20 ans après mon premier contact sur qui était Jacques Parizeau, j’ai entendu une autre rumeur sur l’intéressé. Il paraîtrait qu’il serait hospitalisé. Plus sage, je n’ai pas prêté attention au ouï-dire. 

Ce matin, fixé sur ma télévision, je suis assis sur le sofa dans le salon quand un monsieur apparaît à l’écran pour annoncer les nouvelles. On parlait encore du Monsieur à la grosse moustache, mais cette fois ce n’était pas une rumeur. 

Jacques Parizeau est mort. Moi je lui ai dédié une chronique.




Guy-Serge Luboya  


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