mercredi 28 décembre 2016

Les enfants des autres

Manifestation contre le pouvoir  à Kinshasa.  
À ses enfants, on dira : « allez à l’école, marchez d’un pas assuré, surveillez vos fréquentations, soignez vos relations, regardez les gens dans les yeux lorsque vous conversez, donnez une poignée de main ferme, ne faites pas un travail insignifiant. » Aux enfants des autres, on ne dira rien.

S’ils n’ont pas de père, de mère, ou les deux, et bien ils se débrouilleront tout seuls. Ils apprendront sur le tas, à coups d’essais-erreurs, les dures réalités de la vie et ses nombreux non-dits.

Pendant qu’on veille à l’éducation de ses enfants, les envoient dans les universités les plus cotées du monde, les enfants des autres sont dans la rue, à manifester en esquivant des balles réelles, pour un lendemain meilleur au pays.  Quand ce lendemain arrivera, ce seront les enfants dépêchés étudier ailleurs, qui, bardés de diplômes d’institutions prestigieuses, reviendront occuper les postes d’envergures des nouvelles organisations.

Et pourtant, les enfants des autres sont à la première ligne du combat. Ils ne passent pas sur les grands médias, mais ils sont les porte-voix du changement. Rien n’y fait, ils sont quand même tenus à l’écart des vraies discussions, ils n’ont pas connaissances des tenants et aboutissants.

Ils sont invités à table, sans recevoir le menu. Ils n’ont pas le loisir de choisir, d’ailleurs, ils ne savent même pas vraiment ce qu’ils mangent. Mais ce qu’ils ignorent par-dessus tout, c’est que c’est à eux que reviendra l’addition. Ils seront facturés un prix hors norme pour ce repas qu’ils n’ont jamais commandés.

Les pragmatiques nous dirons : « on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs », ils oublieront d’ajouter : « bien entendu, les œufs doivent provenir d’une autre poule ».  
Tant que ce n’est pas dans ma cour, jusqu’ici tout va bien…

Les enfants des autres sont-ils le sacrifice humain du changement de système sur la terre mère ? Car, force est de constater que l’importation en terre africaine, du concept grec de démocratie, vient avec une facture extrêmement salée.

Il semble que l’Afrique, le continent de l’arbre à palabres, le pays du gagnant-gagnant, a beaucoup de mal à adhérer spirituellement à cette théorie de : « j’ai gagné parce que j’ai plus d’amis que toi. » Le pied africain serait-il trop gros pour la chaussure démocratique ? Un président peut-il céder sa chaise sans emporter des âmes innocentes avec lui ?

Récemment en RDC, des jeunes gens ont osés occuper la chaussée pour démontrer leur mécontentement a un pouvoir qui ne veut pas lâcher après avoir expiré tous les mandats possibles. Ils ont marché pour tenter d’être plus efficace que l’opposition congolaise qui ne cesse d’avancer et de reculer, tel une danse de tango sans fin avec leurs frères ennemis de la majorité.

Résultat de cet affront ?

Une quarantaine de cette belle jeunesse ont perdu la vie, une centaine de blessés physiquement, plus de 400 emprisonnés, et plus d’un millier heurté psychologiquement.

Ce n’est qu’après cette catastrophe que la mouvance, les opposants, et une église au beau milieu du village, accepte de s’assoir et discuter pour trouver un accord.

Il aura fallu tous ces morts pour réunir tout ce beau monde. Encore une fois, les grands absents à ce rendez-vous sont…les enfants des autres.




Mayamba Luboya 

dimanche 18 décembre 2016

Le temps d'écrire...



Des jeunes s’affairent à la lecture sur le « trottoir du savoir » à Brazzaville.
Credit photo : ©BaudoinMouanda
Je me suis fait poser la fâcheuse plus d'une fois au cours des dernières semaines : ''mais Guy-Serge, tu as cassé ta plume ? Tu n'écris plus sur ton blogue''.

Ils ont bien raisons de me relancer, et j'aurais bien tort de trouver des excuses.

Je serais prétentieux de dire que je n'ai pas le temps d'écrire. Qui a du temps dans notre nouveau monde 2.0 ? Beaucoup maîtrisent leur montre, mais personne ne dompte vraiment son temps. Le temps, on le saisit, le créé, au pire, le bouscule, mais on ne le possède pas.

Bien sûr qu'écrire requiert du temps, mais pas n'importe lequel, celui des habitants du pays de Cocagne. Celui-ci qui est élastique, celui- là qui ressemble à un temps mort pour reprendre son souffle, un arrêt sur écran pour commenter.

Quand on sait que le physicien Albert Einstein, monument de la sphère du savoir, dormait jusqu’à 12 heures par jour, nous sommes en droit de nous poser la question suivante : l'oisiveté est-elle nécessaire au travail intellectuel ?

L'homme de réflexion serait-il condamné à être un Oblomov des temps modernes ?

Bien que sombrer dans l'Oblomovisme serait une alternative outrancière, le penseur doit ralentir là où tout le monde accélère, ce n'est qu'ainsi qu'il remarque les détails qui échappent aux yeux de ses contemporains, trop affairés qu'ils sont, à danser sur le rythme de cette chanson dont le titre est ; le temps c'est de l'argent.

L'auteur rigoureux doit réfléchir, oui, mais aussi, anticipé les contre-réflexions de ses lecteurs, et y répondre d'avance. De cette manière, s'il reçoit des contre-arguments une fois son texte publié, ils ne seront que bénéfiques pour lui, car ils lui apporteront une nouvelle façon de voir les choses qui lui était totalement inconnu.

Notre espace temporel, bête noire de nos savants, nous a toujours compliqué la vie. Sa relativité crée des inégalités. En effet, même si nous avons tous 24 heures dans une journée, elles diffèrent d’un individu à l’autre. Untel trouvera 24h toujours trop courtes, l’autre juste assez, et même que certains les trouvent trop longues...

Cela est donc lié à notre activité, le temps prend la forme de la tâche qui l’occupe, et non l’inverse, comme voudrait nous le faire croire les dérives du libéralisme économique. Il est ainsi une question de qualité, et non de quantité. Du temps oui, mais pas n’importe lequel. Toute exercice à son type de temps. Le temps de couper du bois d’un bûcheron n’est pas le temps de rédiger d’un écrivain. Le temps de plaidoyer d’un avocat, ne sera jamais le temps d’éduquer d’un parent. Et ainsi de suite, le temps nous impose ses caprices.

Certains peuples, dont ceux du Sud du Sahara, ont remarqués cela depuis des lustres. Voilà pourquoi ils n’ont jamais eu un regard linéaire du temps. Sous le soleil africain, le temps a toujours été une grosse roue qui ne cesse de tourner en répétant les mêmes événements.

On ne réinvente pas la roue, dit-on. Je me suis donc soumis aux étrangetés de celle-ci pour composer cette rédaction.   


J’espère que vous aurez...le temps de lire.



Guy-Serge Luboya


Kalala, un nom qui lui allait si bien