mercredi 13 décembre 2017

Les réseaux sociaux, un poison pour la solidarité des peuples ?

Des migrants de l'Afrique subsaharienne en captivité en Libye.
Solidarité, voilà un mot international, traduisible dans toutes les langues, conceptualisées dans toutes les cultures.  Quand nous nous remémorons que l’homme est animal social, le terme prend tout son sens. 

En effet, se sentir solidaire, n’est-ce pas là une des manifestations les plus humaines?


Même dans les sociétés les plus individualistes comme les États-Unis où «l’American Dream» ne se conjugue qu’au singulier, les taxes, impôts, et «food stamps» viennent rappeler aux plus fortunés qu’il est une obligation de faire un pas vers les plus précaires.

De même, lorsque l’on apprend qu’en Libye, en Mauritanie et ailleurs dans le monde des hommes sont mis en esclavages, l’être humain, partout où il se trouve, devrait monter au créneau contre ces pratiques irréelles avec la dernière énergie.

Curieusement, face à cet affront de la dignité humaine, la réponse est faible, ou plutôt, disproportionnée. C’est que la vague d’indignation sur les Facebook, Twitter et Compagnies, ne s’est pas traduite dans les rues, devant les ambassades ou dans les cotisations pour aboutir à des projets concrets. La révolte est restée numérique, laissant la révolution sur le pavé.

En réagissant sur les réseaux sociaux, nous sommes dans l’illusion d’avoir fait notre part. Que quelqu’un quelque part se chargera de mener le combat plus loin ! Le problème est que tout le monde attend ce, «quelqu’un quelque part».

Les réseaux sociaux sont comme l’argent : un bon serviteur, mais un bien mauvais maître. En effet, ces technologies sont d’excellents outils de communications, mais ils atteignent leur seuil d’incompétence lorsque l’on veut en faire un chef de file. 

Changer sa photo de profil Facebook pour contester l’esclavage d’êtres humains en Libye, c’est comme aller à la guerre avec un couteau de cuisine.

À l’instar des jeux vidéo, il y a quelque chose de «dangereusement confortable» dans les réseaux sociaux. Une sorte de bon vivre virtuel qui crée, lentement mais surement, une déconnexion bien réelle. Ce que les spécialistes de la question appellent la cyberdépendance a subtilement empoisonné toutes les sphères de notre société. 

Nous sommes bien loin des années 60 où des manifestations spontanées dans les capitales du monde avaient eu lieu pour dénoncer l’assassinat d’un... jeune premier ministre congolais, Patrice Lumumba.  N’est-il pas ironique que près de 60 ans plus tard, nous ayons fait un grand pas en avant technologiquement pour faire un bond en arrière humainement? Qu’un instrument crée pour nous rapprocher nous a distancés émotionnellement?  

La Ligue des Noirs du Québec aura le défi de répondre à ces questions. En effet, elle invite toute personne à participer au grand rassemblement qu’elle organise contre l’esclavage en Libye, ce samedi 16 décembre - 12h00 au parc Toussaint Louverture à Montréal. 

Une initiative qui veut redonner à l’homme sa grandeur, une démarche ô combien salutaire à l’heure où tout se règle en ligne en moins de 140 caractères.

Mayamba Luboya

lundi 16 octobre 2017

Sankara wetu


15 octobre 1987 - 15 octobre 2017, 30 ans déjà que l'homme intègre, Thomas Sankara, est disparu. Si l'ancien jeune président nous a quittés, son nom est resté dans la mémoire collective africaine, comme si son esprit gardait jalousement le siège du burkinabe le plus célèbre dans le salon des révolutionnaires d'Afrique. 

30 ans, c'est peut-être le temps qu'il fallait pour comprendre la pensée complexe de Thomas Sankara. Son génie est frappant quand on constate qu'au milieu des années 1980, dans une Afrique de tous les maux, il avait déjà élaboré des concepts biens précis sur l'écologie, l'égalité hommes-femmes, et autres sujets visionnaires pour cette époque.

Mais, s'il y a quelque chose que Sankara avait bien compris de son vivant, c'est la force des symboles. Là encore, il était en avance sur son temps. Même aujourd'hui où certains trouvent anecdotique de faire battre sa monnaie à l'extérieur de son continent, où une certaine capitale africaine est toujours nommée à l'honneur de Pierre de Brazza...Sankara avait saisi que Haute Volta ne sonnait pas très africain, d'où la nécessité de rebaptiser le pays Burkina Faso.
Même chose pour l'impérialisme, il savait pertinemment que ce n'était pas forcement une armée américaine de 3 000 hommes, c'était, comme il le vulgarisait si bien : « le t-shirt que vous portez ».

Le vieux (il aurait 67 ans aujourd’hui), doit tout de même sourire de là où il est. Car même mort, son rêve panafricain a fait sa petite route de chemin : son patronyme n'a pas de frontière en Afrique, ses concepts n'ont pas besoins de visas, son caractère a fait des petits partout sur la terre mère, bref, tout le monde s'est approprié la figure Sankara.

Une appropriation telle que même dans le village de mon père, chez les Bakwa Ndaba du Kasaï en RDC, le nom Sankara ne passerait pas inaperçu.  Ils l'appelleraient « notre Sankara », bien entendu dans la langue locale, en ciluba, « Sankara wetu ».


Mayamba Luboya

samedi 14 octobre 2017

Palabre sur le franc CFA : une question de caractère


Manifestation contre le FCFA
Le 10 novembre 1963, devant une foule conquise à Détroit, Malcolm X, dans son éloquence habituelle, fait une analogie qui restera marquée dans l’histoire de la lutte d’émancipation des afro-américains : the house negro & the field negro.


Pour le porte parole de la Nation of Islam, mélangeant brillance et sarcasme, au temps de l’esclavage des noirs aux États-Unis il y avait deux sortes d’esclaves : celui de la maison et celui des champs.

Le premier, comme son nom l’indique, habite dans la demeure du propriétaire. Il est docile et réfractaire au changement tant il se sent protégé et pris en charge par le maître. Il est domestiqué et apprivoisé à se sentir à l’aise dans le système. Le deuxième est dans les champs, il vit quotidiennement la cruauté de l’asservissement, il prie pour la mort du maître, et n’a qu’un seul rêve : s’enfuir de cette plantation pour créer un monde meilleur.

Prophète Malcolm X ? Surement, car sa métaphore est toujours d’actualité 50 ans plus tard. Aujourd’hui, le débat sur le franc CFA reflète drôlement les propos du prêcheur panafricain. 

Le FCFA, d’abord franc des colonies françaises d’Afrique, pour ensuite être rebaptisé - marketing oblige - franc des communautés financières d’Afrique, est un héritage colonial, monnaie fabriquée en France et appartenant à la zone franc, toujours la devise de 14 pays africains près de 60 ans après les « indépendances ».

Ce billet, une bonne partie d'Africains, surtout la jeunesse, n’en veut plus. Ils aspirent à gérer leur propre destin, rêvent d’une monnaie unique africaine qui pourra un jour, pourquoi pas, concurrencer avec le Yuan, l’euro et le dollar.

Désir tout à fait normal et légitime, direz-vous. Après tout, presque tous les peuples du monde, à quelques exceptions rares comme le Japon, ont été à un moment donné de leur existence soumis à une tutelle avant de se relever et exercer leur droit à l’autodétermination. 

Mais, sortir du FCFA fait débat en Afrique. Une autre partie d’Africains, dont plusieurs chefs d’état, sont totalement adverses à quitter cette structure.


Les arguments des pros-FCFA

Pour les partisans du FCFA, cet argent ne cause aucun problème de souveraineté aux pays membres. D’ailleurs, la question du FCFA serait essentiellement économique, donc ne devrait en rien concerner les politiques, groupes de pressions et autres donneurs d’opinions de nos sociétés.

Les défenseurs du FCFA sortent quelques chiffres du FMI démontrant que les pays africains sous le FCFA ont eu plus de succès, dans certains domaines, que ceux en dehors. Que le fait que le FCFA soit géré par la France serait beaucoup plus de l’aide de bonne volonté aux pays aux faibles économies que de la recherche de profit ou autres intérêts quelconques, car la monnaie qui circule dans une quinzaine de pays d’Afrique ne pèse pas lourd sur le PIB français.

Mais l’argumentation la plus populaire chez les pros-CFA est la stabilité. Le FCFA est stable, c’est un fait, et ses souteneurs craignent le risque d’une dévaluation et autre catastrophe s’il fallait changer de devise.


L’Afrique est grande maintenant

Et pourtant des solutions de rechange existent. Plusieurs pays sont sortis de la zone franc et ne sont pas morts pour autant. Il existe d’autres états, comme celui de la Corée du Nord avec une monnaie près de 2 fois plus dévaluée que le FCFA, mais tout de même avec un PIB par habitant avoisinant celui du Burkina Faso par exemple.

Des économistes de renoms comme Nicolas Agbohou et Mamadou Koulibaly ont publié des pistes de solutions depuis des années. Les pays membres du FCFA ne sont donc pas devant l’inconnu, comme un affranchi qui, une fois sa liberté reprise, ne sait guère où aller.

L’Afrique est-elle cette grande ado dans un corps d’adulte ? Se refusant à vieillir, elle a atteint l’âge mature de vivre seule, mais compte toujours sur ses parents pour l’aider à payer le loyer..

Nos ancêtres n’avaient pas de PhD en économie, mais ils savaient pertinemment que manager sa monnaie au Portugal ou en Allemagne n’était pas très brillant.


Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage


1851, en pleine période de la traite des noirs aux États-Unis, un médecin américain inventa de toute pièce une maladie mentale propre aux esclaves noirs, la « drapétomania ». Cette « indisposition » était décrite par son concepteur comme : la façon récurrente d’esclaves à s’enfuir de leurs lieux de captivités. D’où « drapete », signifiant fuyard en grec ancien, et « mania » désignant folie.   

Aujourd’hui, la maladie à la mode que l’on veut coller aux africains qui veulent sortir du FCFA c’est, l’émotion! Une sorte « d’émotionomania », une folie passionnelle qui empêcherait l’Africain de régler des questions sensibles avec lucidité.

La jeunesse africaine doit s’opposer à ce mépris avec la dernière énergie.


Une question de caractère


À travers ses observations, Charles Darwin remarqua que notre écosystème est fait de rapport de force dont seuls les plus aptes survivent à ces interactions.

Car, souvent plus que l’intelligence, le caractère est l’élément qui fait toute la différence. Comme si la nature ne tolérait aucune forme de faiblesse.

Le caractère ne s'apprend pas à l'école, ou peut-être, à l'exception, de la cour de récréation.

Le caractère est le frère ennemi de l'intelligence. Comme elle, il est inné et son développement est conditionné par son environnement. Ainsi, un sol propice lui permettra d'exprimer sa pleine potentialité et vice versa.

Mais contrairement à sa sœur, le caractère est fier! L'un n'est pas antagonique à l'autre, cependant leur cohabitation demande du doigté pour éviter que l'un ne piétine sur les plates-bandes de l’autre.

Longtemps, le caractère et l'intelligence se sont affrontés dans l'esprit des grands hommes. Lumumba, Churchill, Mao et autres ont tous eu besoin un jour de prendre une décision basée sur le caractère pour l’avenir de leurs peuples.

Pour ou contre le FCFA, chaque camp campant sur ses arguments, cette palabre nous démontre clairement qu’elle est belle et bien, une question de caractère.




Mayamba Luboya

samedi 12 août 2017

Vers l'indépendance mentale..

Frantz Fanon, Psychiatre et intellectuel engagé contre
l’aliénation coloniale. 

Début 1960, années de tous les espoirs. Après près d’un siècle sous un nuage colonisateur, les africains allaient désormais voir le soleil de l’indépendance. En effet, tour à tour, le vent de la liberté souffle sur le sable saharien : Ghana, Congo, Algérie, Kenya, et la liste continue, la férocité des dominants, n’a pu contenir, cette fois, la volonté des dominés.


Il parait que les situations difficiles créent des hommes forts, l’adage ne pourrait être plus vrai dans le cas de l’Afrique des années 60. L’humiliation d’être considéré comme des humains inférieurs à crée des N’krumah, Lumumba, Kenyatta. Tous ce beau monde au même endroit et au même moment, la table était mise pour ce fameux repas qui se mange froid.

La puissance de feu des occupants n’a rien pu faire contre ce momentum. Les leaders et le peuple ont sabrés le champagne, dansés « Independance cha cha » pour célébrer cette sortie du statut de colonie.

Bien entendu, les envahisseurs n’avaient pas dit leur dernier mot. Ils disposaient, vraisemblablement, d’un plan à long terme. À la minute qu’ils cèdent l’indépendance de la main gauche, ils imposent le néocolonialisme par la main droite : soutient de béni-oui-oui à la présidence à vie, assassinats de leaders populaires, détournement de l’élite de l’intelligence par l’immigration choisie après la création d’un climat invivable pour intellectuels, brefs, les maîtres du monde n’y sont pas aller de main morte pour reprendre le contrôle de ce qu’ils considèrent comme leur terrain privé.

L’erreur serait de croire que la colonisation n’était qu’une affaire de terre, elle était surtout, une affaire d’esprit. Les indépendances ont remis, juridiquement parlant, les clefs des frontières aux autochtones. Mais l’esprit est resté enchaîné, comme s’il s’agissait d’une clause non-négociable d’un pacte colonial. J’ai envie de dire que cela est normal, on ne reprend pas possession d’un corps humain comme on se rapproprie un poste frontalier. Ce dernier n’a pas d’âme, il n’est pas soumis aux lois du spirituelle.

Aujourd’hui, près de six décennies suivant son indépendance, l’africain est toujours en quête de sa repossession. Il a une longue liste de réflexes à éliminer avant de se posséder entièrement. Il ne suffit qu’à penser aux critères de beautés, pervertis par un sentiment d’infériorité, résultante de siècles de lobotomisation. Ainsi, on associera plus beau à plus clair, à une chevelure plus lisse, à un nez plus fin. 

C’est que l’aliéné méprise tout ce qu’il possède, déteste tout ce qui lui ressemble. Il est de cette catégorie de gens pour qui la pelouse est toujours plus verte chez le voisin.

Alors, il boudera sa langue locale au profit de l’occidentale. Il cachera son prénom pour celui de l’autre, il maîtrisera parfaitement l’histoire des peuples étrangers, mais aura des trous de mémoires quant à la sienne.

L’aliénation est subtile, elle est ce qu’il y a de plus vicieux. Elle crée un malaise chez l’atteint dès l’instant où il tente de se remettre en question.

Car, sortir de ce déséquilibre, c’est combattre son adversaire le plus coriace. Celui qui connait toutes nos faiblesses : soi-même.

L’estime de soi est la colonne vertébrale de l’individu, sans elle on est bancal, éternel assisté, supporté par les béquilles du complexe, à la merci de singer le premier venu.

Maintenant, la grande question est : comment mener un combat dans cet état d’esprit ? La réponse est : impossible. Même les conseillers en organisation suggèrent comme, condition sine qua non, de d’abord faire le grand ménage de sa maison avant d’envisager mettre de l’ordre dans sa vie et carrière professionnelle.

Ainsi, les indépendances de 60 nécessitaient une réforme agraire et nationalisation des entreprises.

Au tour de la nouvelle génération de lutter à mettre en application les préalables incontournables qui mèneront vers …l’indépendance mentale.




Mayamba Luboya 

jeudi 13 juillet 2017

Éloge des combattants Congolais

Des Combattants Congolais lors d'une manifestation en France.

Héros pour les Uns, zéros pour les autres, les sentiments sont ambivalents lorsqu'il s'agit de parler des combattants congolais. Là où ils font l'unanimité, c'est qu'ils suscitent les passions. Pas étonnant pour des êtres passionnés, qui se sont approprié les affaires publiques de leur mère-patrie avec un zèle sans précédent.  

À coup de vidéos quotidiennes sur YouTube, les combattants font ce qu’ils savent, et peuvent, faire : hurlent, mobilisent, et surtout, bloquent les concerts de grandes stars de la chanson congolaise.

Mais, pourquoi empêcher des spectacles de ses compatriotes ? Pour mettre l'emphase sur l'incohérence de la situation : comment se fait-il que le peuple qui détient le record de morts depuis la deuxième guerre mondiale est, au même moment, le plus danseur ? 

Pour répondre à cette question, il a fallu couper la musique. C'est la moindre des choses, tout le monde sait qu'il est ardu de réfléchir dans le bruit..

Mais, le plus grand fait d’armes des combattants, est la mouvance Combattant elle-même. Cette nébuleuse, ce genre de désordre organisé, c'est montré plus efficace que les 80% des centaines de parties politiques qui pullulent au Congo. 

Les combattants ont du génie, ils arrivent, tant bien que mal, à faire ce qu'aucun groupe politisé congolais n'a jamais réussi à réaliser : créer un mouvement holacratique. Une structure qui avale ses leaders, une organisation qui n'est pas suspendu aux lèvres d'un seul homme*, aussi grand soit-il. Ainsi, même les changements d'humeurs des plus célèbres d’entre eux, n'ont pas d'impact sur la base, celle ci reste indomptable. Elle n'a pas d'ambition politique, donc ne cherche pas à plaire. Elle demeure droite dans ses bottes, tel un gendarme du peuple.  

Bien sûr que ce genre de fonctionnement vient avec des failles, quel système n'en a pas ? Bien entendu que dans ce regroupement, il y a des individus mal intentionnés, quel troupeau n'a pas de brebis galeuses ? 

Mais, contrôler les égos de tout un chacun et se mettre au même diapason pour une cause commune relève déjà de l'exploit. Mettre tant d'énergie dans une cause sans calculer un poste, un gain financier ou tout autre retour d'ascenseur, mérite un applaudissement, pour quiconque connaît le milieu opportuniste qu'est la politique. 

Einstein disait que la « bêtise, c'est de répéter la même chose, et de s'attendre à un résultat différent». Les combattants ne sont donc pas bêtes, comme beaucoup de détracteurs aimeraient le faire croire. Ils innovent, à coup d'essai-erreur, ils redéfinissent les contours de la chose publique. 
Ils rangent dans les tiroirs, cette culture du Sauveur-tombé-du-ciel qui réglera tous vos problèmes par la pensée magique.

Ils sont la preuve que la politique est l'affaire de tous, qu'elle n'est pas statique, et réservée à une certaine élite.
Oui, il y a d’énormes lacunes, mais cela nous renvoi à l’éternel débat du verre à moitié, soit vous le voyez à demi vide, soit à demi plein. Tout est une question de paradigme.


L’histoire jugera.


Mayamba Luboya 

*Le masculin est utilisé pour alléger le texte, et ce, sans préjudice pour la forme féminine. 

jeudi 8 juin 2017

La sagesse des langues africaines...

« What’s wrong with the world, mama? People livin like they ain’t got no mamas », chantait l’artiste Will.I.Am du groupe The Black Eyed Peas, dans leur méga succès « where’s is the love? ».


Le chanteur engagé se questionnait à haute voix, se demandant où est l’amour ? Par ce cri du cœur, il constatait son impuissance face au dérapage de son monde. Un monde qui semble avoir perdu ses repères, qui porte à croire qu’il a effacé la trace de l’origine des choses.

Et si pour résoudre ces maux, nous cherchions dans l’étymologie des mots ?

Oui, et si cette racine se trouvait dans les langues africaines ?

En effet, le premier homme moderne venant d’Afrique, il est cohérent d’affirmer, qu’il en irait de soi pour la première langue. Cette dernière nous révélerait l’état d’esprit de notre ancêtre commun.

Cette sagesse des « anciens », nous aiderait surement à trouver un point d’ancrage, un rempart de notre humanité à l’heure où Google s’active à créer des robots par l’intelligence artificielle, au moment où Zhao Bowen et le BGI (Beijing Genomics Institute) menacent notre diversité par leur obsession de créer une race de bébés génies. 

Les langues africaines nous ramènent à la raison, elles nous font découvrir la conception, tout autre, qu’avaient les premiers occupants de l’univers qui nous entoure.

Le déchiffrement d’une langue comme le Meroïtique est une véritable quête du Saint Graal, qui pourrait traiter plusieurs questions sans réponses de notre temps.

En ce sens, ces anciennes langues d’Afrique devraient être le rêve de tous historiens, archéologues, chercheurs, bref, tous ceux-là qui ont hérités d’une âme fouineuse. L’un d’eux se nommait Martin Bernal, dans sa thèse « Black Athena », il démontre que près de la moitié des mots Grecs sont d’origines africaines. D’autres grands « fouineurs » comme le linguiste Théophile Obenga, aborde dans le même sens selon son ouvrage intitulé : L'égyptien pharaonique : une langue négro-Africaine.

Les langues africaines ont réponses à tout, là où aujourd’hui nous détruisons la nature, ces langues ont tout nommé par rapport à leur espace naturelle. Elles sont intimement liées au cosmos.  Ainsi, en Lingala, langue issue du Bobangi et majoritairement parlée en R.D. Congo, on appelle une année de 365 jours, la pluie (mbula). On nomme un mois de 30 jours, la lune (sanza). On calcule donc le temps, savamment, à partir de l’environnement.

De nos jours, à l’époque de l’individualisme, du chacun pour soi, là encore, nos chères langues africaines rectifient le tir.  Effectivement, toujours en lingala, le mot bomoko se traduit en français par « ensemble », or, il signifie littéralement « le caractère de l’un », comme pour dire que la personnalité de l’individu, c’est d’abord le groupe. Cette notion rejoint celle d’Ubuntu, en langue Xhosa, qui se traduit par « je suis, parce que nous sommes ».

Notre cher 21 e siècle est comme une automobile qui file à 100 à l’heure sur l’autoroute du progrès. Le pied toujours plus lourd sur la pédale, les yeux constamment rivés droit devant. Toutefois, en bon conducteur, nous nous devons de jeter un coup d’œil sur le pare-brise, cela s’avérerait plus sage et pourrait, sans aucun doute, nous sauver la vie.


Guy-Serge Luboya

lundi 27 mars 2017

L'idée Tshisekedi

Dans les rues de Kinshasa (Congo), une femme,
avec une bougie, porte l’effigie de Tshisekedi.
« Je ne suis pas un homme, je suis une idée » disait Patrice Lumumba en parlant de sa personne. Être une idée ? Mais oui ?!  Pourquoi n’y avons-nous  pas pensé avant ?


Voilà, un concept de génie. Car, en effet, pour marquer les esprits, vaut mieux être une idée qu'un homme. L'idée a plus d'espérance de vie que l'homme. 

L'homme ne résiste pas aux saisons, l'une d'elles finira par le décomposer, le retourner poussière. Peut-importe l'intensité de son passage sur terre, la séquence terrestre du Muntu est insignifiante dans le film de l'univers. Mais qui sait jusqu'où peut aller une idée ?

Elle n'a pas d’ego, donc ne réagit pas à la flatterie, est immunisée à la jalousie. L'idée transcende les époques, bien qu'égratignée par quelques erreurs de traductions et mauvaises interprétations, elle garde son canevas à travers les âges. Elle devient sienne à celui qui se l'approprie, qui la défend avec zèle, sans l'étouffer dans le fanatisme. 


Car les fanatiques de l'idéaliste son contre-productifs à l'idéal. L'idée ne nécessite pas de fans, en revanche, il lui faut des critiqueurs, des empêcheurs de tourner en rond, qui vont continuellement la « challenger ».

Si l'homme peut avoir besoin de bras pour commander, l'idée est dépendante des têtes qui vont la revisiter.

Un proverbe Chinois nous dit que « quand le sage montre le ciel, l'imbécile regarde le doigt ». Le ciel c'est l'idée, le doigt c'est l'homme. Ne regardons donc pas l'homme, il n'est qu'humain, trop humain. Regardons l'idée, elle est le comme le ciel: incommensurable, surprenante, et porteuse d'étoiles. 

Astres qui ont pour mission de faire rejaillir sous de nouveaux cieux, cette idée d'un Congo décomplexé, adulte et uni.

Cette idée d’état de droit. Cette conception noble de la chose publique qu’avait Dr. Étienne Tshisekedi. Être préoccupé par la prochaine génération au point d’oublier la prochaine élection. Redonner à la politique ses lettres de noblesses, lui rhabiller de manière plus respectueuse, afin qu’elle n’attire plus tous ces aventuriers à la recherchent de légèreté, tous ces crevards qui ne jurent que par l’aventure.   

L’idée d’un peuple d’abord, qui se prend en charge et assume son destin. L’idée de reprendre le contrôle de son corps, de son esprit, de son sol.

Aujourd'hui, 2 mois après sa mort, cette idée, ce n'est pas tout ce qui reste de Tshisekedi, cette idée, C’EST tout Tshisekedi.

Cette idée c'est la mienne, c'est la tienne, c'est la nôtre.



Mayamba Luboya



Kalala, un nom qui lui allait si bien